Ligue 1 de football : validation de la fin de la saison et suspension des relégations

En raison de l’épidémie de covid-19, la Ligue de football professionnel a, le 30 avril, décidé de mettre fin à la saison 2019-2020. Elle a enregistré le classement des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 en tenant compte du nombre de points obtenus et du nombre de rencontres disputées par les équipes. Fin mai, trois clubs de football (Olympique Lyonnais, Amiens Sporting Club et Toulouse Football Club) ont saisi le juge des référés du Conseil d’État pour qu’il ordonne la suspension de ces décisions.

S’agissant de la fin de la saison de championnat, le juge des référés relève que le Premier ministre et le ministre de la santé ont annoncé, à la fin du mois d’avril, que la saison 2019-2020 des compétitions de sports collectifs professionnels ne pourrait reprendre en raison du contexte sanitaire. Par ailleurs, à cette date, l’UEFA avait fait connaître aux fédérations nationales son souhait que les compétitions prennent fin au plus tard le 3 août 2020. Compte tenu de ces déclarations et afin de préserver la santé de tous les acteurs des rencontres de football et de permettre aux clubs de disposer de la visibilité nécessaire pour gérer l’intersaison et organiser la saison 2020-2021, le conseil d’administration de la Ligue a considéré qu’il convenait de prendre dès ce moment la décision d’arrêter de façon définitive les championnats de Ligue 1 et de Ligue 2.
Le juge des référés estime qu’il n’y a pas de doute sérieux sur la légalité de cette décision, qui pesait les avantages et les inconvénients d’un arrêt immédiat du championnat, alors qu’une très grande incertitude affectait l’hypothèse d’un possible redémarrage des compétitions en temps utile.

S’agissant du classement établi en tenant compte des rencontres déjà disputées, le juge des référés du Conseil d’État rappelle que le conseil d’administration de la Ligue devait tirer les conséquences de l’interruption des championnats. Le juge valide les modalités définies par la Ligue, notamment pour le classement du championnat de Ligue 1, compte tenu notamment de ce que tous les matchs de la 28ème journée n’ont pu être joués.

Le juge des référés suspend la relégation en Ligue 2 d’Amiens et de Toulouse

Le juge des référés estime que le conseil d’administration de la Ligue ne pouvait pas légalement se fonder, pour décider de reléguer les deux derniers du classement de la Ligue 1, sur le fait que l’actuelle convention conclue avec la Fédération française de football (FFF) prévoit une limite de vingt clubs, alors que cette convention prend fin le 30 juin prochain et qu’une nouvelle convention devra être signée.

Le juge ordonne donc à la Ligue de football professionnel, en lien avec les instances compétentes de la FFF, de réexaminer la question du format de la Ligue 1 pour la saison 2020-2021, au vu de l’ensemble des éléments relatifs aux conditions dans lesquelles cette saison est susceptible de se dérouler, et d’en tirer les conséquences quant au principe des relégations avant le 30 juin.

Vu les procédures suivantes :
1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 3 juin
2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat sous le n° 440809, la SA L’Olympique
Lyonnais Groupe et la SASU L’Olympique Lyonnais demandent au juge des référés du Conseil
d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l’exécution des décisions du 30 avril 2020 par lesquelles le
conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a mis fin à la saison 2019-2020 et
enregistré le classement des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 sur la base d’un quotient
tenant compte du nombre de points obtenus et du nombre de rencontres disputées par les
équipes ;

2°) d’enjoindre à la Ligue de football professionnel de réexaminer les
conditions permettant d’envisager une reprise des compétitions au mois d’août ou, à défaut, de
faire de la saison 2019-2020 une « saison blanche », dans un délai de 15 jours à compter de la
notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel la somme de

3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
– elles justifient d’un intérêt à agir ;
– la condition d’urgence est remplie, dès lors que la décision d’arrêter
définitivement les championnats en cours de saison et d’homologuer le classement au quotient

N° 440809, 440813, 440824 2
préjudicie de manière grave et immédiate, en premier lieu, aux intérêts des clubs, notamment de
l’Olympique Lyonnais, qui, d’une part, n’a pas pu améliorer son classement et se qualifier pour
les compétitions européennes telles que la Ligue des Champions, débutant courant août 2020, et,
d’autre part, doit supporter des pertes de recettes au titre de la Ligue 1, pour la saison 2019-2020,
et des pertes de recettes au titre de sa participation aux compétitions européennes, pour la saison
2020-2021, et, en second lieu, à l’intérêt public tenant à l’équité et au bon déroulement des
compétitions ;

– il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
– elle est entachée d’incompétence, dès lors que seule l’assemblée générale de la
Ligue de football professionnel était compétente pour procéder à une modification du format des
championnats de Ligue 1 et de Ligue 2, et non son conseil d’administration ;

– elle est entachée de défaut d’impartialité, d’abus de position dominante et de
détournement de pouvoir, compte tenu de la présence au sein du conseil d’administration de
présidents de club ayant un intérêt à ce que soit prise la décision contestée et animés par la
volonté de défavoriser l’Olympique lyonnais ;

– elle est entachée d’un vice de procédure, l’absence de délibération de
l’assemblée générale ayant porté atteinte au principe du fonctionnement démocratique des
instances sportives ;

– elle est entachée d’erreur de droit, la Ligue de football professionnel ayant
méconnu sa propre compétence en matière de réglementation du football professionnel en se
considérant, à tort, comme liée par les propos tenus par le Premier ministre et, indirectement, par
ceux du président de la Fédération française de football, qui n’étaient pas compétents, dont les
prises de position étaient dépourvues de toute valeur juridique et qui, en tout état de cause, ont
commis une erreur de fait ;

– à la date à laquelle elle a été prise, l’interruption définitive des compétitions
n’était impliquée nécessairement ni par les dispositions de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour
faire face à l’épidémie de covid-19, qui a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de
deux mois, ni par les informations communiquées par le Premier ministre et la ministre des
sports, qui n’ont jamais définitivement écarté la possibilité d’une reprise des compétitions à
partir du mois d’août, sous une forme adaptée ; même en prenant en compte les éléments
postérieurs au 30 avril 2020, la décision d’interrompre définitivement les championnats n’est pas
davantage justifiée ;

– la décision contestée méconnaît les dispositions combinées de la loi d’urgence
sanitaire et des grandes orientations fixées par le Premier ministre et la ministre des sports ;
– elle méconnaît les principes fixés par l’UEFA dans sa décision du 23 avril
2020, en tant qu’elle écarte toute possibilité de reprise des championnats, sans motif légitime et,
en tout état de cause, sans justifier le choix de la méthode de classement au quotient, qui ne
répond pas au principe de transparence et de non-discrimination ;

– elle méconnaît les dispositions combinées des articles 514, 518, 518 bis,
518 ter, 519, 521 et 523 du règlement des championnats professionnels en tant qu’elle arrête
prématurément les championnats et modifie, en cours de saison, les règles permettant
d’homologuer le classement, en méconnaissance des contrats conclus entre la Ligue de football
professionnel et les clubs ;

– elle méconnaît le principe d’égalité entre les clubs, corollaire du principe de
non-discrimination, rappelé par l’UEFA dans sa décision du 23 avril 2020, dès lors que, d’une
part, en arrêtant le championnat de Ligue 1, elle fausse la concurrence entre les clubs de Ligue 1
et les clubs européens et viole les article 101 et 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne et, d’autre part, en retenant la méthode du classement au quotient, elle applique des

N° 440809, 440813, 440824 3
règles identiques à des ligues et à des clubs qui sont placés dans des situations différentes, alors
qu’il existe d’autres méthodes, plus objectives, fondées sur le mérite sportif ;

– elle méconnaît l’objectif de garantie d’équité et d’intégrité des compétitions
sportives, en tant qu’elle modifie rétroactivement les règles applicables aux championnats en
cours de saison, alors que l’équité sportive impliquait soit la reprise des compétitions, soit la
décision de déclarer une « saison blanche » ;

– elle est dépourvue de base légale, dès lors que la force majeure, sur laquelle
elle se fonde, n’est qu’une cause exonératoire de responsabilité et n’est, en tout état de cause, pas
établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, la Ligue de football
professionnel conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’Olympique
Lyonnais la somme de 8 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative. Elle soutient que l’Olympique Lyonnais est dépourvu de tout intérêt à demander
la suspension de la décision contestée en tant qu’elle met fin de manière anticipée au
championnat de Ligue 2 et arrête le classement de celui-ci, que la condition d’urgence n’est pas
remplie, que les moyens dirigés contre l’arrêt définitif du championnat de Ligue 1 sont
inopérants, compte tenu des dispositions de l’article L. 222-2-4 du code du sport et de la
situation de compétence liée dans laquelle se trouvait la Ligue, et, en tout état de cause, non
fondés, de même que les autres moyens soulevés par les requérants.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2020, la Fédération française de football

déclare s’associer aux écritures de la Ligue de football professionnel.

La requête a été communiquée au Premier ministre, au ministre de la santé et

de la solidarité et au ministre des sports, qui n’ont pas produit d’observations.

2° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 4 juin
2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société anonyme sportive professionnelle
(SASP) Toulouse Football Club demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le
fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution des décisions du 30 avril 2020 par lesquelles le
conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a prévu l’établissement d’un
classement final du championnat de Ligue 1 de la saison 2019-2020 avant le terme de la
compétition, sur la base d’un indice de performance correspondant au quotient issu du rapport
entre le nombre de points obtenus et le nombre de matchs joués, modifié les règles de relégation
de la Ligue 1 vers la Ligue 2 applicables à la saison 2019-2020, enregistré le classement définitif
du championnat de Ligue 1 établi selon cette méthode et prononcé la relégation en Ligue 2 du
Toulouse Football Club ;

2°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel la somme de

3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– sa requête n’est pas manifestement insusceptible de ressortir à la compétence

du Conseil d’Etat en premier ressort ;

N° 440809, 440813, 440824 4
– la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, la Ligue de
football professionnel a émis le souhait que le prochain championnat commence le 23 août 2020
et, d’autre part, l’exécution des décisions contestées préjudicie de manière grave et immédiate
aux intérêts du Toulouse Football Club, sur le plan financier et sur le plan social, et à l’intérêt
public tenant à l’équité et au bon déroulement des compétitions ;

– il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ;
– la modification, en cours de compétition, du règlement des championnats de
France professionnels ne relève pas du pouvoir règlementaire reconnu à la Ligue de football
professionnel mais aurait dû être préalablement autorisée par la loi ;

– en toute hypothèse, les décisions contestées méconnaissent les principes
d’équité sportive et d’intégrité des compétitions, en ce qu’elles modifient, en cours de
compétition, le règlement des championnats de France professionnels ;

– elles sont dépourvues de base légale, dès lors qu’elles arrêtent un classement
définitif du championnat de Ligue 1 et prononcent la relégation du Toulouse Football Club en
Ligue 2 à une date à laquelle, faute de publication, les dispositions modifiant le règlement des
championnats de France professionnels n’étaient pas encore entrées en vigueur ;

– elles méconnaissent les articles 518, 518 bis, 519 et 528 du règlement des
championnats de France professionnels, dans leur rédaction en vigueur au début de la
compétition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, la Ligue de football
professionnel conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du Toulouse Football
Club la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative. Elle soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie, que la condition tenant
à l’existence d’un doute sérieux ne saurait être satisfaite, dès lors que la requête au fond est
irrecevable, faute pour le requérant d’avoir contesté la décision du conseil d’administration en
tant qu’elle prévoit les accessions en Ligue 1 des deux premières équipes du classement de
Ligue 2 alors qu’il s’agit de dispositions indivisibles, et que les moyens soulevés par le requérant
ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2020, la Fédération française de football

déclare s’associer aux écritures de la Ligue de football professionnel.

La requête a été communiquée au Premier ministre, au ministre des solidarités

et de la santé et au ministre des sports, qui n’ont pas produit d’observations.

3° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 4 juin
2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat sous le n° 440824, la société anonyme
sportive professionnelle (SASP) Amiens Sporting Club Football demande au juge des référés du
Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l’exécution de la décision du conseil d’administration de la
Ligue de football professionnel du 30 avril 2020 en tant qu’elle adopte le principe de deux
relégations entre la Ligue 1 et la Ligue 2 pour la saison 2019-2020 et procède à la relégation de
l’Amiens SC en Ligue 2 ;

N° 440809, 440813, 440824 5
2°) d’enjoindre à la Ligue de football professionnel de prendre ou de faire
prendre par toute instance compétente toutes dispositions permettant à l’équipe professionnelle
de la SASP Amiens Sporting Club Football de participer effectivement au championnat de
Ligue 1 de la saison 2020-2021 ;

3°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel la somme de

10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, la décision
attaquée, qui impose la rétrogradation du club en Ligue 2 sans qu’il ait pu disputer l’intégralité
du championnat ni jouer l’ensemble de ses rencontres aller et retour, préjudicie de manière grave
et immédiate à ses intérêts et à ceux de ses licenciés, tant administrativement que sportivement et
économiquement, ainsi qu’à l’intérêt public qui s’attache au bon déroulement des compétitions
sportives et, d’autre part, aucune considération d’intérêt général tenant à la nécessité de préparer
la saison 2020-2021 dans les meilleures conditions ne fait obstacle à la suspension demandée ;
– il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
– elle est entachée d’incompétence, dès lors que seule la commission des
compétitions de la Ligue de football professionnel était compétente pour statuer, en cours de
saison, sur l’organisation des compétitions, l’homologation des résultats et les cas non prévus, et
non son conseil d’administration ;

– elle méconnaît les principes d’indépendance et d’impartialité, dès lors qu’elle
a été adoptée en suivant les directives de la Fédération française de football, exprimées par son
président, M. Noël Le Graët, membre de droit du conseil d’administration de la Ligue de football
professionnel avec voix consultative ;

– elle est entachée d’erreur de droit, en se fondant sur le motif tiré de ce que la
convention liant la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel prévoit
que la Ligue ne peut pas procéder à la modification du format de la compétition de la Ligue 1,
limitée par cette convention à un maximum de vingt clubs, alors que celle-ci prévoit qu’elle
arrive à échéance le 30 juin 2020 et qu’elle ne peut pas être reconduite par tacite reconduction ;
– elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans le choix de
procéder à des relégations, dès lors que cette décision n’est pas justifiée par l’objectif sanitaire
poursuivi et ne satisfait pas à l’équité sportive ;

– elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des intérêts
généraux du football, en ce qu’elle arrête le format de la Ligue 1 pour la saison 2020-2021 sans
que le sort de la Ligue 2 ne soit décidé ;

– elle est dépourvue de base légale et méconnaît les dispositions des articles
518, 518 bis, 518 ter et 519 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, qui
fixent les règles relatives à la composition, au classement, au départage et aux accessions
relégations, en ce qu’elle fait le choix de procéder à deux descentes en Ligue 2 et deux montées
en Ligue 1, sans attendre la dernière journée de championnat et sans appliquer les règles relatives
aux play-offs et aux matchs de barrage ;

– elle porte atteinte au principe de non-rétroactivité, d’une part, en ce qu’elle
contient des mesures applicables antérieurement au 1er juillet 2020, date inchangée de fin de la
saison sportive 2019-2020, et, d’autre part, en ce qu’elle a pour effet de modifier le résultat
sportif, tel que déterminé par des rencontres déjà jouées ;

– elle porte atteinte au principe de sécurité juridique, en ce qu’elle décide
d’appliquer immédiatement, en cours de saison et sans disposition transitoire, la règle des « deux

N° 440809, 440813, 440824 6
montées / deux descentes » sans attendre la dernière journée de championnat, en excluant
l’application de la règle des play-offs et des matchs de barrage, et en décidant que le classement
s’opèrerait en fonction d’un indice de performance qui n’existait pas au début de la saison ;
– elle porte atteinte au principe d’égalité, dès lors qu’elle établit un classement
et des relégations en résultant, sans que les clubs concourant au sein d’une même ligue aient
disposé des mêmes chances, ceux-ci n’ayant pas nécessairement joué le même nombre de
matchs, ni joué les matchs passés dans des conditions similaires, ni affronté les mêmes
adversaires.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 25 mai 2020, la communauté
d’agglomération Amiens Métropole demande au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit
à la requête de la SASP Amiens Sporting Club Football. Elle soutient que :

– son intervention est recevable ;
– la condition d’urgence est remplie, au regard des incidences de la décision

contestée pour le club et pour la communauté d’agglomération elle-même ;

– il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
– elle est entachée d’incompétence, car elle ne pouvait être légalement prise par
le conseil d’administration de la Ligue mais relevait de la compétence de l’assemblée générale,
de la commission mixte et de la commission des compétitions ;

– à tout le moins, elle aurait dû être précédée d’une modification du règlement

des championnats de France professionnels ;

– elle méconnaît le principe d’égalité, en ce qu’elle conduit à appliquer un

traitement différent à des clubs placés dans la même situation ;

– elle méconnaît les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité des

actes administratifs ;

– elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation, car elle est à la fois injuste

et incohérente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, la Ligue de football
professionnel conclut au rejet de la requête de la SASP Amiens Sporting Club Football et à ce
que soit mise à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative. Elle soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie, que la
condition tenant à l’existence d’un doute sérieux ne saurait être satisfaite, dès lors que la requête
au fond est irrecevable, faute pour la requérante d’avoir contesté la décision du conseil
d’administration en tant qu’elle prévoit les accessions en Ligue 1 des deux premières équipes du
classement de Ligue 2 alors qu’il s’agit de dispositions indivisibles, que les moyens soulevés par
la requérante relatifs à la compétence du conseil d’administration sont inopérants et, en tout état
de cause, non fondés, de même que les autres moyens invoqués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, la Ligue de football
professionnel conclut au rejet de l’intervention de la communauté d’agglomération Amiens
Métropole. Elle soutient que l’intervention est irrecevable et que les moyens soulevés sont
inopérants ou non fondés.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2020, la Fédération française de football

déclare s’associer aux écritures de la Ligue de football professionnel.

N° 440809, 440813, 440824 7
La requête a été communiquée au Premier ministre, au ministre des solidarités

et de la santé et au ministre des sports, qui n’ont pas produit d’observations

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la SA l’Olympique
Lyonnais groupe et la SASU l’Olympique Lyonnais, la SASP Toulouse Football Club, la SASP
Amiens Sporting Club et la Communauté d’agglomération Amiens Métropole et, d’autre part, le
Premier ministre, le ministre de la santé la ministre des sports, la Ligue de football professionnel
et la Fédération française de football ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 4 juin 2020, à 14 heures :
– Me Rameix, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la

SASP Toulouse Football Club ;

– Me Tapie, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la

SASP Amiens Sporting Club Football ;

– Me Molinié, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la

communauté d’agglomération Amiens métropole ;

– Me Poupot, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la

Ligue de football professionnel et de la Fédération française de football ;

– les représentants de la SA l’Olympique Lyonnais groupe et de la SASU

l’Olympique Lyonnais ;

– le représentant de la SASP Toulouse Football Club ;
– le représentant de la SASP Amiens Sporting Club Football ;
– le représentant de la communauté d’agglomération Amiens métropole ;
– les représentants de la Ligue de football professionnel ;
à l’issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l’instruction au

6 juin à 13 heures, puis au 6 juin à 19 heures.

La Ligue professionnelle de football a produit deux nouveaux mémoires, le
5 juin sous les n° 440809, 440813 et 440824 et le 6 juin sous les n° 440813 et 440824, qui
tendent au rejet des requêtes par les mêmes moyens.

La SA L’Olympique Lyonnais Groupe et la SASU L’Olympique Lyonnais ont
produit un nouveau mémoire, le 6 juin 2020, qui tend aux mêmes fins que leur requête par les
mêmes moyens.

N° 440809, 440813, 440824 8

La SASP Amiens Sporting Club a produit deux nouveaux mémoires, les 5 et

6 juin 2020, qui tendent aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

La SASP Toulouse Football Club a produit deux nouveaux mémoires les 5 et

6 juin 200, qui tendent aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– la Constitution ;
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– le code de la santé publique ;
– le code du sport ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
– la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
– le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
– le règlement administratif de la Ligue de football professionnel 2019/2020 ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars

2020 modifiée ;

Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand
une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en
réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de
l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est
fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la
légalité de la décision ».

Sur les circonstances dans lesquelles sont intervenues les décisions contestées :
2. En raison de l’émergence d’un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère
pathogène et particulièrement contagieux, et de sa propagation sur le territoire français, le
ministre des solidarités et de la santé, par plusieurs arrêtés successifs pris à compter du 4 mars
2020, a interdit, de façon de plus en plus stricte, les rassemblements, réunions ou activités
mettant en présence de manière simultanée un certain nombre de personnes, et a décidé la
fermeture d’un nombre croissant de catégories d’établissements recevant du public. Par un décret
du 16 mars 2020, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son
domicile à l’exception des déplacements pour des motifs limitativement énumérés. La loi du
23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a déclaré l’état d’urgence
sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, terme ultérieurement reporté
au 10 juillet 2020 par l’article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire.
Le Premier ministre, par un décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales

N° 440809, 440813, 440824 9
nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, a
réitéré le principe de l’interdiction des déplacements, la prohibition de tout rassemblement,
réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu
clos ou ouvert et la fermeture de la plupart des établissements accueillant du public, notamment
les établissements sportifs couverts et les établissements de plein air, ainsi que les établissements
dans lesquels sont pratiquées des activités physiques ou sportives. Ce régime juridique est resté
applicable, avec quelques ajustements, jusqu’au 11 mai 2020, soit postérieurement à l’édiction
des décisions contestées.

3. A partir de l’intervention du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures
générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence
sanitaire, les déplacements ont été autorisés dans un rayon de cent kilomètres ; a été maintenue
l’interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la
voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix
personnes ; les établissements sportifs couverts sont demeurés fermés ; les établissements
sportifs de plein air ont pu organiser la pratique de certaines activités physiques et sportives,
mais pas celle des sports collectifs. Enfin, depuis l’intervention du décret du 31 mai 2020
prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le
cadre de l’état d’urgence sanitaire, ce régime juridique a été maintenu dans les départements
classés en zone orange ; dans ceux classés en zone verte, la pratique des sports collectifs est
désormais possible pour les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels, à l’exception de
toute pratique compétitive. Par ailleurs, aucun événement réunissant plus de 5 000 personnes ne
peut se dérouler sur le territoire de la République jusqu’au 31 août 2020.

4. Dès le 13 mars 2020, le conseil d’administration de la Ligue professionnelle
de football a décidé de suspendre les compétitions organisées par la Ligue, avec effet immédiat.
Au cours des semaines suivantes, un groupe de travail constitué à cette fin en son sein s’est
attaché à élaborer les conditions d’une éventuelle reprise des compétitions. Le scénario envisagé
au début du mois d’avril se fondait sur l’hypothèse d’une reprise des compétitions au début du
mois de juin et d’une fin des championnats le 2 août au plus tard, compte tenu de la nécessaire
articulation du calendrier national avec celui des compétitions organisées par l’UEFA (Union des
associations européennes de football), avec un démarrage de la saison 2020-2021 les 22 et
23 août. Le 16 avril 2020, à la suite de l’annonce par le Président de la République, quelques
jours plus tôt, d’une prolongation du confinement jusqu’au 11 mai, le comité exécutif de la
Fédération française de football a pris la décision de prononcer la fin des compétitions pour le
football amateur, à l’exception de la D1 féminine et du Championnat National 1. Le 28 avril
2020, lors de sa déclaration à l’Assemblée Nationale relative à la stratégie nationale du plan de
déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, le Premier ministre a tenu
les propos suivants : « Pour donner de la visibilité aux organisateurs d’événements, je précise
que les grandes manifestations sportives ou culturelles – notamment les festivals –, les grands
salons professionnels et tous les événements qui regroupent plus de 5 000 participants et font à
ce titre l’objet d’une déclaration en préfecture, événements qui doivent être organisés longtemps
à l’avance, ne pourront se tenir avant le mois de septembre. La saison 2019-2020 de sport
professionnel, notamment celle de football, ne pourra pas reprendre. » Le surlendemain,
30 avril, la ministre des sports rendait public un communiqué aux termes duquel : « Les règles
définies pour l’ensemble des Français valent pour les sportifs de haut niveau et professionnels
qui pourront reprendre une activité à haute intensité à partir du 11 mai mais exclusivement dans
une logique individuelle dans le respect strict des règles de distanciation (…). Le sport
professionnel ne fait pas exception à l’interdiction de pratiquer des sports collectifs ou à
contacts. Compte tenu des préconisations du Haut Conseil de la santé publique, et en accord

N° 440809, 440813, 440824 10
avec le Président de la République et le Premier ministre, la Ministre n’a pas jugé cette
exception compatible avec la doctrine sanitaire fixée. C’est pourquoi, le Premier ministre a
annoncé que la saison 2019-2020 de sports collectifs professionnels ne pourra pas avoir lieu. A
ce stade, le ministère des Sports précise qu’aucune compétition sportive ne pourra avoir lieu
avant le mois d’août, y compris à huis clos. Par ailleurs, comme l’a annoncé le Premier
ministre, les manifestations sportives rassemblant plus 5 000 personnes sur un même lieu ne
pourront se tenir avant le mois de septembre. » Dès le 28 avril, le comité exécutif de la
Fédération française de football a décidé l’interruption définitive de la D1 féminine et du
Championnat National 1.

5. Lors de sa réunion téléphonique du 30 avril 2020, le conseil d’administration

de la Ligue de football professionnel a décidé :

– de prononcer l’arrêt définitif des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 pour

la saison 2019/2020 ;

– pour la Ligue 1, de tirer les conséquences du fait que toutes les rencontres de
la 28ème journée n’avaient pas pu avoir lieu en arrêtant un classement définitif sur la base d’un
indice de performance défini comme le quotient issu du rapport entre le nombre de points
marqués et le nombre de matchs disputés ;

– pour la Ligue 2, d’arrêter un classement définitif sur la base de celui existant à

l’issue de la 28ème journée ;

– d’enregistrer en conséquences les classements de la Ligue 1 et de la Ligue 2 ;
– d’attribuer le titre de champion de France de Ligue 1 au Paris-Saint-Germain

et celui de champion de France de Ligue 2 au FC Lorient ;

– de prononcer l’accession en Ligue 1 des clubs classés en première et

deuxième position de Ligue 2 (FC Lorient et RC Lens) ;

– de prononcer la relégation en Ligue 2 des clubs classés en dix-neuvième et

vingtième position de Ligue 1 (Amiens SC et Toulouse FC).

6. La SA L’Olympique Lyonnais Groupe et la SASU L’Olympique Lyonnais,
sous le n° 440809, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de suspendre l’exécution des
décisions du 30 avril 2020 par lesquelles le conseil d’administration de la Ligue de football
professionnel a mis fin à la saison 2019-2020 et enregistré le classement des championnats de
Ligue 1 et de Ligue 2 et d’enjoindre à la Ligue de football professionnel de réexaminer les
conditions permettant d’envisager une reprise des compétitions au mois d’août ou, à défaut, de
faire de la saison 2019-2020 une « saison blanche ». La société anonyme sportive professionnelle
(SASP) Toulouse Football Club, sous le n° 440813, demande au juge des référés du Conseil
d’Etat de suspendre l’exécution des décisions du 30 avril 2020 par lesquelles le conseil
d’administration de la Ligue de football professionnel a prévu l’établissement d’un classement
final du championnat de Ligue 1 de la saison 2019-2020 avant le terme de la compétition sur la
base d’un indice de performance, modifié les règles de relégation de la Ligue 1 vers la Ligue 2
applicables à la saison 2019-2020, enregistré le classement définitif du championnat de Ligue 1
établi selon cette méthode et prononcé sa relégation en Ligue 2. La société anonyme sportive
professionnelle (SASP) Amiens Sporting Club Football demande au juge des référés du Conseil
d’Etat de suspendre l’exécution de la décision du conseil d’administration de la Ligue de football
professionnel du 30 avril 2020 en tant qu’elle adopte le principe de deux relégations entre la
Ligue 1 et la Ligue 2 pour la saison 2019-2020 et procède à la relégation du club en Ligue 2 et
d’enjoindre à la Ligue de football professionnel de prendre ou de faire prendre par toute instance
compétente toutes dispositions permettant à son équipe professionnelle de participer
effectivement au championnat de Ligue 1 de la saison 2020-2021. Il y a lieu de joindre ces trois
requêtes, qui présentent à juger des questions communes.

N° 440809, 440813, 440824 11

Sur l’intervention de la communauté d’agglomération Amiens Métropole sous

le n° 440824 :

7. Eu égard aux incidences économiques d’une relégation du club en Ligue 2, la
communauté d’agglomération Amiens Métropole justifie, dans les circonstances de l’espèce,
d’un intérêt suffisant à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la SASP Amiens Sporting Club.
Sur la compétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort pour
connaître des conclusions des requêtes dirigées contre les décisions homologuant les classements
et prononçant la relégation des clubs d’Amiens et de Toulouse :

8. Les sociétés requérantes demandent l’annulation des décisions à caractère
réglementaire par lesquelles le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a
interrompu les championnats de Ligue 1 et de Ligue 2, fixé les modalités de leurs classements et
arrêté les règles relatives aux relégations et accessions. Ces conclusions relèvent de la
compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat en application du 2° de l’article
R. 311-1 du code de justice administrative. Il y a lieu pour le Conseil d’Etat, dans les
circonstances de l’espèce, de connaître par voie de connexité des conclusions dirigées contre les
décisions enregistrant les classements et prononçant la relégation des clubs d’Amiens et
Toulouse, qui se bornent à tirer les conséquences de ces actes réglementaires.

Sur le cadre juridique :
9. Aux termes de l’article L. 131-14 du code du sport : « Dans chaque
discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation
du ministre chargé des sports. » Aux termes de l’article L. 131-15 du même code : « Les
fédérations délégataires : 1° Organisent les compétitions sportives à l’issue desquelles sont
délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux (…). » Aux termes
de l’article L. 131-16 du même code : « Les fédérations délégataires édictent : 1° Les règles
techniques propres à leur discipline ainsi que les règles ayant pour objet de contrôler leur
application et de sanctionner leur non-respect par les acteurs des compétitions sportives (…). »
Aux termes de l’article R. 131-32 du même code : « Les règles techniques édictées par les
fédérations sportives délégataires comprennent :1° Les règles du jeu applicables à la discipline
sportive concernée ; / 2° Les règles d’établissement d’un classement national, régional,
départemental ou autre, des sportifs, individuellement ou par équipe ; / 3° Les règles
d’organisation et de déroulement des compétitions ou épreuves aboutissant à un tel
classement ; / 4° Les règles d’accès et de participation des sportifs, individuellement ou par
équipe, à ces compétitions et épreuves. » Par ailleurs, aux termes de l’article L. 132-1 du même
code : « Les fédérations sportives délégataires peuvent créer une ligue professionnelle, pour la
représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des
associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives (…). » Aux termes de l’article
R. 132-1 du même code, une fédération sportive délégataire peut créer une ligue professionnelle
dotée de la personnalité morale soit pour organiser les compétitions sportives qu’elle définit, soit
pour fixer, pour les compétitions sportives qu’elle définit, leurs conditions d’organisation et
celles de la participation des sportifs. En application de l’article R. 132-12 du même code, la
réglementation et la gestion des compétitions mentionnées à l’article R. 132-1 relèvent de la
compétence de la ligue professionnelle, sous réserve des dispositions des articles R. 132-10 et
R. 132-11.

N° 440809, 440813, 440824 12
10. En confiant, à titre exclusif, aux fédérations sportives ayant reçu délégation
la mission d’organiser des compétitions sur le territoire national, le législateur a chargé ces
fédérations de l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif. Les
décisions procédant de l’usage par ces fédérations des prérogatives de puissance publique qui
leur ont été conférées pour l’accomplissement de cette mission de service public présentent le
caractère d’actes administratifs. Le pouvoir d’organiser les compétitions sportives à l’issue
desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux,
conféré aux fédérations délégataires par l’article L. 131-16, peut être exercé par des ligues
professionnelles pour la participation aux compétitions qu’elles organisent. Par convention
conclue entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel en
application de l’article R. 132-9 du code du sport, la gestion du football professionnel a été
déléguée à la Ligue de football professionnel, notamment chargée d’organiser, de gérer et de
réglementer le championnat de Ligue 1 et le championnat de Ligue 2. Il appartient en
conséquence à la Ligue de football professionnel de réglementer ces compétitions.

Sur les demandes en référé :
En ce qui concerne la décision de mettre un terme définitif aux championnats de

Ligue 1 et de Ligue 2 :

11. En premier lieu, aux termes de l’article 12 des statuts de la Ligue de
football professionnel, l’assemblée générale de la Ligue est compétente pour procéder au
changement de format des compétitions organisées par la Ligue dans la limite des dispositions de
la convention liant la Ligue à la Fédération. Aux termes de l’article 24 de ces statuts, le conseil
d’administration a compétence pour « établir le règlement administratif de la Ligue et le
règlement des compétitions qu’elle organise ». La décision d’interrompre les championnats de
manière définitive avant leur terme, par dérogation au règlement des compétitions, ne remet pas
en cause, par elle-même, le format des compétitions, cette notion devant être entendue, en
l’absence de toute définition textuelle, comme relative au nombre de clubs admis à participer aux
championnats de Ligue 1 et de Ligue 2. Par ailleurs, l’article 427 du règlement administratif, qui
prévoit que la commission de révision des règlements a pour mission de réfléchir aux
modifications à apporter aux règlements et peut les proposer au conseil d’administration, ne
subordonne pas les décisions prises par celui-ci à une proposition de la commission de révision.
Celle-ci n’est pas non plus dotée, par l’article 411 du règlement, d’un pouvoir normatif. Par
suite, le moyen tiré de ce que le conseil d’administration n’était pas compétent pour prendre la
décision contestée n’est pas, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa
légalité.

12. En deuxième lieu, la composition du conseil d’administration d’une ligue
professionnelle doit respecter les dispositions de l’article R. 132-4 du code du sport. Aux termes
de l’article 18 des statuts de la Ligue de football professionnel, pris sur fondement de ces
dispositions, son conseil d’administration est composé de huit dirigeants de groupements sportifs
participant à la Ligue 1 et de deux dirigeants de groupements sportifs participant à la Ligue 2,
élus par l’assemblée générale, d’un représentant de la Fédération française de football, du
président de Première Ligue et du président de l’UCPF (Union des clubs professionnels de
football), en qualité de représentant des organisations représentatives des employeurs, de deux
représentants de joueurs et deux représentants des éducateurs, de cinq membres indépendants,
d’un représentant des arbitres, d’un représentant des personnels administratifs et d’un
représentant des médecins de clubs professionnels. La circonstance que participent aux
délibérations du conseil d’administration des dirigeants de clubs dont la situation est susceptible

N° 440809, 440813, 440824 13
d’être affectée par les décisions prises est inhérente à la nature même de cette instance. Les
moyens tirés de ce que la composition du conseil d’administration aurait pour conséquence de
conférer à certains clubs un droit exclusif présentant un risque de distorsion de la concurrence
ainsi qu’une position dominante, en méconnaissance des articles 102 et 106 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne, et de ce que la décision prise aurait méconnu le principe
d’impartialité ainsi que le principe du fonctionnement démocratique des associations sportives ne
sont pas, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision
contestée.

13. En troisième lieu, ainsi qu’il a été dit au point 4, le Premier ministre et la
ministre des sports ont annoncé, à la fin du mois d’avril 2020, que la saison 2019-2020,
s’agissant des compétitions de sports collectifs professionnels, et en particulier du football, ne
pourrait reprendre, en raison du contexte sanitaire lié à l’épidémie de covid-19. Par ailleurs, à
cette date, l’UEFA avait fait connaître aux fédérations nationales son souhait que les
compétitions prennent fin au plus tard le 3 août 2020. Lors de sa réunion du 30 avril 2020, le
conseil d’administration de la Ligue a estimé, compte tenu des annonces gouvernementales et
des contraintes de calendrier, et au regard de la nécessité de préserver la santé de tous les acteurs
des rencontres de football, ainsi que de l’intérêt s’attachant à ce que les clubs disposent de la
visibilité nécessaire pour gérer l’intersaison et organiser la saison 2020-2021, qu’il convenait de
prendre dès à présent la décision d’arrêter de façon définitive les championnats de Ligue 1 et de
Ligue 2. S’il est vrai qu’à la date du 30 avril 2020, il ne pouvait être totalement exclu que
l’évolution du contexte sanitaire et un allègement des contraintes juridiques permettent une
reprise des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 – comme cela a finalement été le cas dans
plusieurs pays européens – il appartenait au conseil d’administration de la Ligue de procéder,
comme elle l’a fait, à la pesée des avantages et des inconvénients d’une décision immédiate,
alors qu’une très grande incertitude affectait l’hypothèse d’un possible redémarrage des
compétitions en temps utile. Au vu de l’ensemble de ces éléments, les moyens tirés de ce que le
conseil d’administration aurait méconnu sa propre compétence et entaché sa décision d’erreur de
droit, en se croyant liée à tort par une décision gouvernementale, d’erreur de fait ou d’erreur
manifeste d’appréciation ne sont pas, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux
sur la légalité de la décision contestée à la date à laquelle elle a été prise.

14. En quatrième lieu, et en tout état de cause, il ne peut être utilement soutenu
devant le juge administratif, à l’appui de conclusions dirigées contre la décision du conseil
d’administration de la Ligue d’interrompre les compétitions, que celle-ci aurait été prise en
méconnaissance des principes fixés par l’UEFA.

15. En cinquième et dernier lieu, ne peut qu’être écarté, en tout état de cause, le
moyen tiré de ce que les conditions de la force majeure n’étaient pas réunies, dès lors qu’il ne
ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée aurait eu un tel motif pour fondement.
En ce qui concerne la décision de procéder à un classement du championnat de

Ligue 1 en se fondant sur un quotient :

16. Le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a fait le
choix de procéder à un classement des équipes engagées dans les championnats de Ligue 1 et de
Ligue 2 et, s’agissant de la Ligue 1, pour laquelle la vingt-huitième journée de championnat
n’avait pu être intégralement disputée, d’appliquer un indice de performance défini comme le
quotient issu du rapport entre le nombre de points marqués et le nombre de matchs disputés. Les

N° 440809, 440813, 440824 14
sociétés requérantes contestent tant le principe même d’un classement que les modalités ainsi
arrêtées.

Quant au choix d’arrêter un classement se fondant sur les rencontres déjà

disputées :

17. Il est constant que la réglementation des compétitions organisées par la
Ligue de football professionnelle ne comporte pas de dispositions prévoyant les règles à suivre
lorsque des circonstances imprévues conduisent à interrompre ces compétitions de façon
définitive avant leur terme. Les sociétés requérantes soutiennent que, dès lors, la décision du
conseil d’administration d’arrêter un classement définitif en fonction des seuls résultats des
rencontres disputées avant l’interruption des championnats méconnaît les dispositions des
articles 518, 518 bis, 518 ter, 519 et 528 du règlement administratif de la Ligue de football
professionnel, qui fixent les règles relatives à la composition des championnats, au classement,
au départage, aux accessions et relégations et aux matchs reportés, ainsi que l’objectif d’équité et
d’intégrité des compétitions sportives et les principes de non-rétroactivité et de sécurité
juridique.

18. Il appartenait toutefois au conseil d’administration de la Ligue, compétent
pour ce faire ainsi qu’il a été dit au point 11, de déterminer, dans le cadre de son pouvoir
réglementaire, les conséquences à tirer de l’interruption des championnats. S’il lui était loisible
de décider que les compétitions de Ligue 1 et de Ligue 2 ne donneraient pas lieu à un classement
en 2019-2020, décision qui se serait donc traduite par une « saison blanche » – solution qui a été
adoptée par les ligues professionnelles d’autres sports collectifs – il pouvait légalement faire le
choix d’arrêter le principe d’un tel classement, malgré la circonstance que les championnats
n’aient pas pu aller jusqu’à leur terme, et de fixer les règles permettant d’y procéder. Un tel
choix, alors que plus de 73 % des rencontres avait été disputées, ne saurait être regardé comme
méconnaissant manifestement l’objectif d’équité et d’intégrité des compétitions sportives. Par
ailleurs, dès lors qu’elle ne conduit pas à modifier les résultats des rencontres qui se sont
antérieurement déroulées, l’application à des compétitions en cours qui ont été interrompues de
règles nouvelles dont le seul objet est de permettre le classement des clubs concernés, en
dérogeant aux règles qui prévoient que ce classement est arrêté à l’issue des championnats, ne
saurait être regardé comme affectant une situation juridique définitivement constituée et ne revêt
donc pas un caractère rétroactif. Il ne saurait être davantage soutenu qu’aurait été méconnu, en
l’espèce, le principe de sécurité juridique, au motif que les règles nouvelles sont immédiatement
applicables, alors que l’interruption des championnats rendait précisément nécessaire qu’elles le
soient.

Quant au choix des modalités de classement s’agissant du championnat de

Ligue 1 :

19. Ainsi que le relèvent les sociétés requérantes, plusieurs solutions étaient
théoriquement envisageables pour déterminer les modalités du classement de la Ligue 1, compte
tenu notamment du fait que la vingt-huitième journée n’avait pu aller jusqu’à son terme ou, de
façon plus générale, de la circonstance que, durant la phase interrompue des matchs retours,
certains clubs avaient rencontré davantage de clubs mieux ou moins bien classés que d’autres.
N’est cependant pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision
contestée, en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que l’indice de performance retenu serait
entaché d’erreur manifeste d’appréciation ou d’atteinte au principe d’égalité, dès lors qu’il

N° 440809, 440813, 440824 15
présente l’avantage de prendre en compte l’intégralité des rencontres disputées. Il en va de même
des moyens tirés de la méconnaissance du droit européen de la concurrence, et, en l’absence
d’éléments autres que des articles de presse, du moyen tiré de ce que le choix de cet indice aurait
été exclusivement motivé par la volonté de pénaliser le club de l’Olympique Lyonnais, alors que
le conseil d’administration de la Ligue s’est borné à utiliser une méthode qui l’avait été
antérieurement par la Fédération française de football pour les clubs amateurs.

En ce qui concerne l’enregistrement des classements des championnats de

Ligue 1 et de Ligue 2 :

20. Le moyen tiré de ce que le conseil d’administration n’aurait pu légalement,
le 30 avril, procéder à l’enregistrement du classement des championnats de Ligue 1 et de Ligue
2, au motif que les décisions réglementaires qui le permettaient n’avait pas été encore publiées,
n’est pas, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la
décision contestée.

En ce qui concerne la décision de reléguer en Ligue 2 les clubs classés en

dix-neuvième et vingtième position de la Ligue 1 :

Quant à la fin de non-recevoir soulevée par la Ligue de football professionnel :
21. Contrairement à ce que soutient la Ligue de football professionnel, les
requêtes au fond des SASP Amiens Sporting Club et Toulouse Football Club ne sont pas
irrecevables du seul fait qu’elles ne tendent pas, parallèlement, à l’annulation de la décision du
conseil d’administration en tant qu’elle promeut en Ligue 1 les deux premiers clubs du
classement de Ligue 2, les décisions relatives à la relégation et à l’accession étant divisibles. Par
suite, la Ligue n’est pas fondée à soutenir que, pour ce motif, aucun des moyens de la requête ne
serait de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de sa décision relative aux relégations.
Quant aux conclusions des SASP Amiens Sporting Club et Toulouse Football

Club :

22. La décision de procéder à un classement des championnats de Ligue 1 et de
Ligue 2 n’entraîne pas nécessairement, par elle-même, la relégation en Ligue 2 des deux derniers
du championnat de Ligue 1, non plus, d’ailleurs, que l’accession en Ligue 1 des deux premiers
de Ligue 2.

23. D’une part, il résulte des termes mêmes du procès-verbal de la délibération
du 30 avril 2020 que le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel s’est
fondé, pour exclure une solution consistant à permettre simultanément deux accessions en
Ligue 1 et aucune relégation en Ligue 2, solution qui impliquerait de passer à vingt-deux clubs
en Ligue 1 lors de la saison 2020-2021, sur la circonstance que le format de la Ligue 1 est
encadré par la convention conclue avec la Fédération française de football, qui prévoit entre
dix-huit et vingt clubs en Ligue 1. Il en a déduit que le maintien des deux derniers clubs de
Ligue 1 était impossible en l’absence d’une modification préalable de la convention. Toutefois,
la convention actuellement en vigueur, qui prend fin le 30 juin 2020, ne régit pas la saison
2020-2021. Le moyen tiré de ce que le conseil d’administration de la Ligue, en se fondant sur les

N° 440809, 440813, 440824 16
dispositions d’une convention qui ne sera plus applicable pour la saison 2020-2021, a entaché sa
décision d’erreur de droit est, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à
sa légalité.

24. D’autre part, la décision de reléguer en Ligue 2 les deux derniers clubs de
Ligue 1 est de nature à porter une atteinte grave et immédiate aux intérêts des clubs concernés,
qui doivent notamment gérer leurs effectifs et leur politique de recrutement en vue de la saison
2020-2021. Ni l’intérêt d’autres clubs ni l’intérêt public attaché au bon déroulement du
championnat de Ligue 1 2020-2021 ne sont susceptibles, en l’espèce, de contrebalancer cette
atteinte, dès lors que la Ligue de football professionnel devra se prononcer à nouveau, à bref
délai, sur la question des relégations.

25. Il y a lieu, par suite, de suspendre l’exécution de la décision du 30 avril
2020 par laquelle le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a relégué en
Ligue 2 les deux clubs arrivés en dix-neuvième et vingtième position du classement 2019-2020
de Ligue 1. La suspension de cette décision implique que la Ligue de football professionnel, en
lien avec les instances compétentes de la Fédération française de football, réexamine la question
du format de la Ligue 1 pour la saison 2020-2021, au vu de l’ensemble des éléments disponibles
à la date de ce réexamen et relatifs aux conditions dans lesquelles cette saison est susceptible de
se dérouler, et en tire les conséquences quant au principe des relégations. Il y a lieu d’enjoindre à
la Ligue de procéder à cet examen d’ici au 30 juin 2020.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de L’Olympique Lyonnais
Groupe et de L’Olympique Lyonnais SASU, ainsi que le surplus des conclusions des requêtes
des SASP Toulouse Football club et Amiens Sporting Club doivent, en revanche, être rejetés.
27. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de
L’Olympique Lyonnais Groupe et de L’Olympique Lyonnais SASU, sous le n° 440809, le
versement à la Ligue de football professionnel d’une somme de 3 000 euros en application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à
ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par L’Olympique Lyonnais Groupe et
L’Olympique Lyonnais SASU sous le même numéro. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de
l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions sous les
n° 440813 et 440824.

O R D O N N E :
——————

Article 1
er : L’intervention de la communauté d’agglomération Amiens métropole est admise
sous le n° 440824.
Article 2 : L’exécution de la décision du 30 avril 2020 par laquelle le conseil d’administration de
la Ligue de football professionnel a prononcé la relégation en Ligue 2 des deux clubs arrivés en
dix-neuvième et vingtième position du classement 2019-2020 de Ligue 1 est suspendue.

N° 440809, 440813, 440824 17
Article 3 : Il est enjoint à la Ligue de football professionnel, en lien avec les instances
compétentes de la Fédération française de football, de réexaminer, d’ici au 30 juin 2020 la
question du format de la Ligue 1 pour la saison 2020-2021, au vu de l’ensemble des éléments
disponibles à la date de ce réexamen et relatifs aux conditions dans lesquelles cette saison est
susceptible de se dérouler, et d’en tirer les conséquences quant au principe des relégations.
Article 4 : La requête n° 440809, le surplus des conclusions des requêtes n° 440813 et 440824,
ainsi que les conclusions présentées par la Ligue de football professionnel sous les n° 440813 et
440824 sont rejetés.
Article 5 : L’Olympique Lyonnais Groupe et L’Olympique Lyonnais SASU verseront à la Ligue
de football professionnel une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code
de justice administrative.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la SA L’Olympique Lyonnais Groupe, premier
requérant dénommé sous le n° 440809, à la SASP Toulouse Football club, à la SASP Amiens
Sporting Club, à la Ligue de football professionnel et à la Fédération française de football.
Copie en sera adressée au Premier ministre, à la ministre des sports et au ministre de la santé et
des solidarités.